L’activité des huissiers de justice : impacts de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire

23 Déc 2021

La loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021  impacte l’activité des huissiers de justice.

 

1. La loi n°2021-1729 pour la confiance dans l’institution judiciaire

 

Sous l’influence du garde des sceaux, ministre de la Justice, le gouvernement a élaboré un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, dont l’objectif affirmé est de rétablir la confiance entre les citoyens et l’institution judiciaire, en leur permettent de mieux connaître la justice et son fonctionnement.

Ce projet de loi a été adopté successivement par l’Assemblée nationale et le Sénat, puis a été soumis par le Premier ministre au Conseil Constitutionnel, afin que ce dernier puisse se prononcer sur la conformité du texte à la Constitution.

Des suites de l’avis favorable du Conseil Constitutionnel en date du 17 décembre 2021, la loi n°2021-1729 pour la confiance dans l’institution judiciaire a été promulguée le 22 décembre et publiée au Journal officiel le 23 décembre 2021.

 

 

2. Les impacts de la loi n°2021-1729 pour l’activité des huissiers de justice

 

2.1. L’accès des huissiers de justice aux boites aux lettres

 

Il s’agit de la mesure phare de cette réforme en cours : l’article 30 de la loi du 22 décembre 2021 modifie l’article L.126-14 du code de la construction et de l’habitation, afin qu’il soit ainsi rédigé :

« Le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic permet aux huissiers de justice d’accéder, pour l’accomplissement de leurs missions de signification ou d’exécution, aux parties communes des immeubles d’habitation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Les huissiers de justice ont accès aux boîtes aux lettres particulières selon les mêmes modalités que les agents chargés de la distribution au domicile agissant pour le compte des opérateurs mentionnés à l’article L. 126‑12 [i.e. les agents postaux]. »

Si le premier alinéa est quasiment inchangé, le second constitue une nouveauté dont l’impact est essentiel.

En effet, jusqu’à présent, l’accès aux parties communes d’un immeuble non accessibles depuis la voie publique est certes autorisé à l’huissier de justice, mais très encadré par le décret n°2019-650 du 27 juin 2019.

Ainsi, l’huissier de justice ou le clerc assermenté doit adresser par tout moyen une demande d’accès au propriétaire ou, en cas de copropriété, au syndic de copropriété en précisant son identité, sa qualité et la mission d’exécution ou de signification qui lui a été confiée (article R.111-7-1 du Code de la construction et de l’habitation).

Le propriétaire ou le syndic remet alors à l’huissier ou au clerc assermenté, dans un délai de cinq jours ouvrables suivant la réception de la demande, le moyen d’accès aux parties communes (badge VIGIK, code d’accès) contre récépissé ou autre moyen (article R.111-17-2 du Code de la construction et de l’habitation).

Une fois sa mission réalisée, l’huissier de justice ou le clerc doit ensuite restituer le matériel lui ayant permis d’accéder à l’immeuble au propriétaire ou au syndic, sans délai et contre récépissé.

Ainsi, le dispositif qui a été mis en place en 2019 par le Gouvernement pour permettre aux huissiers de justice d’accéder aux parties communes d’un immeuble est particulièrement lourd, tant par le formalisme qu’il impose que par sa mise en œuvre effective. Il supposait de s’être déplacé sur le lieu d’exécution ou de signification, d’avoir expérimenté l’impossibilité d’accéder à l’immeuble, avant de pouvoir interroger le propriétaire ou le syndic de propriété, dont il fallait au préalable connaître l’identité et les coordonnées, avant d’obtenir les codes ou badges d’accès, pour enfin pouvoir retourner sur le lieu de signification et réaliser de façon effective et réussie la mission de signification ou d’exécution.

C’est dans ce contexte que la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire introduit une disposition qui permet aux huissiers de justice d’avoir accès aux parties communes et donc aux boîtes aux lettres, sans avoir besoin d’une autorisation particulière du propriétaire ou du syndic de copropriété, et sans risquer d’être confronté à une porte close.

Il faudra attendre les décrets d’application pour connaître les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle autorisation, mais elle se traduira sans nul doute par l’autorisation pour les huissiers de bénéficier de Vigik ou tout autre moyen d’accès aux parties communes d’un immeuble.

 

 

2.2. La signification par voie électronique en matière pénale

 

L’article 14, 25°, de la loi du 22 décembre 2021 modifie l’article 803-1 II du Code de procédure pénale pour ouvrir la signification électronique des « avis, convocations ou documents » lorsque le code impose que cette remise soit effectuée par acte d’huissier de justice.

Cette signification électronique n’est cependant possible que pour une liste limitative de destinataires, à savoir « le ministère public, les parties civiles, les experts et des témoins ainsi que, lorsque ces personnes ne sont pas détenues, les prévenus ou les condamnés », lesquelles doivent y avoir préalablement consenti « par une déclaration expresse recueillie au cours de la procédure. Cet accord précise le mode de communication électronique accepté par la personne. Il est conservé au dossier une trace écrite de cet envoi. »

La Chambre Nationale des Commissaires de Justice a récemment précisé que des travaux étaient en cours avec les services de la Chancellerie pour faciliter la prise du consentement, et ainsi espérer généraliser ce mode de signification en matière pénale.

 

 

2.3. Nouvelle dispense de MARD : la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances

 

L’article 4 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, codifié à l’article 750-1 du Code de procédure civile, avait instauré une tentative de règlement amiable, préalable à toute saisine du juge, pour les litiges relatifs au paiement d’une somme d’argent n’excédant pas 5.000 euros et pour les conflits de voisinage [que la loi requalifie en « troubles anormaux du voisinage »].

Pour ces litiges, la saisine du juge devait, à peine d’irrecevabilité de la demande, être précédée soit :

  • d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice ;
  • d’une tentative de médiation ;
  • d’une tentative de procédure participative.

 

Il était alors prévu quatre cas de dispense, dans lesquels la tentative de règlement amiable du différend n’était pas obligatoire, à savoir :

  • lorsque l’une des parties au litige sollicite l’homologation d’un accord ;
  • lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
  • lorsque l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime, notamment l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ;
  • lorsque le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

 

L’article 46 de la loi ajoute un cas de dispense, lorsque « le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances », mise en œuvre par l’huissier de justice sur le fondement des articles R.125-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution.

Ainsi, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la procédure de recouvrement des petites créances ne s’ajoute pas à la liste des tentatives préalables obligatoires de règlement des différends, mais devient au contraire l’un des cas de dispense, permettant une saisine immédiate du tribunal pour toutes les demandes en paiement d’une somme inférieure ou égale 5.000 euros et en matière de troubles anormaux du voisinage.